Voilà quelques semaines maintenant que les instance du Personnel sont consultées sur un projet de procédure d'alerte dont l'objet est de remonter tout fait soupçonné ou avéré concernant :
  • tout crime ou délit au sens du Code pénal français
  • toute violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement,ou une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général ;
  • toute violation des Droits de l'homme ;
  • toute violation d’une disposition du Code de déontologie ou du Code de conduite anti-corruption du Groupe AUSY ;

Bref, la liste est exhaustive et coïncide avec tout ce qui peut être répréhensible au sens légal et réglementaire. Le droit du travail, pour ce qui concerne et intéresse syndicats et salariés, est donc aussi inclus. Cette procédure, dont le déploiement est prévu à l'issue de cette phase de consultation, est sollicitable par tout salarié, pourvu qu'il soit de bonne foi et désintéressé. Voilà des notions qui peuvent être tout d'abord délicates à vérifier mais ces précautions sont indispensables si l'on désire éviter que ce processus devienne une véritable machine à délation gratuite.

Restons en famille !

AUSY ne fait ici qu'adapter ses valeurs à celle du groupe RANDSTAD et de se conformer à la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II. Une obligation donc, mais vous allez constater qu'il s'agit là d'une auto-régulation demandée aux Entreprises puisque l'alerte est remontée à un Comité constitué de ... six cadres dirigeants du groupe AUSY. Ceux-ci se chargeront de réaliser une enquête et de prendre les mesures adéquates dans un délai maximal de trois mois durant lesquels le Comité mais aussi le lanceur d'alerte est astreint à une obligation de confidentialité. Passé ce délai, l'information peut-être publiquement délivrée et adressée par exemple directement aux instances judiciaires ou juridictionnelles. Autant dire qu'une inertie certaine peut être à craindre selon les cas, soit par manque de temps, soit en raison de difficultés d'investigation, soit encore d'une volonté délibérée d'enterrer le sujet. Cette latence peut-être préjudiciable en fonction du type d'alerte rencontrée et du degré de compromission de telle ou telle personne. Le lanceur d'alerte, de bonne foi et désintéressé, bénéficie d'une protection (de quelle type ? durant combien de temps ? ) et d'un anonymat préservé (lire plutôt limité, ce qui est plutôt délicat s'agissant d'un salarié révélant une corruption affectant sa hiérarchie par exemple).

L'esprit de ce dispositif peut être considéré comme louable, son application demeure assimilable à du "lavage de linge sale en famille" puisque le Comité en question est interne à l'Entreprise et donc fatalement tout sauf impartial... La plus grande prudence est donc de mise sur le recours à cette procédure. Nous ne saurions conseiller à tout salarié de bien peser l'intérêt d'y recourir face aux alternatives soit d'une alerte directe aux syndicats, soit d'une assistance d'un avocat, ou tout autre interlocuteur externe à l'Entreprise et pourvu d'un devoir de réserve lié à son statut.

Nous avons proposé le recueil d'un reporting semestriel des alertes, sous la forme d'un addendum dans le bilan social annuel. Sans aller dans le détail , il est pour nous intéressant de dispose d'une une classification des alertes (corruption, écart à la loi, harcèlement, etc..) et la datation de celles-ci en sus de leur statuts. La Direction nous a objecté des craintes sur la confidentialité et fournira donc ... le minima syndical soit le nombre d'alerte et leur statut (en cours ou terminée). Voilà bien une façon opaque de débuter le fonctionnement de ce Comité occulte... 

Nous avons aussi suggéré d'inscrire dans le texte de la procédure la garantie de la stricte parité F/H du Comité (ou à défaut de l'adapter dans ces circonstances) dans le cas précis de problématiques de harcèlement sexuel ou d’inégalité de traitement F/H. L'avenir nous dira si ce dispositif en restera au stade de garde-fou et servant une image labellisée, ou bien s'il révèlera en notre sein un justicier du calibre de John Snowden...

Pour conclure, rappelez-vous bien que ce dispositif est totalement étranger au recours que vous pouvez avoir auprès de votre syndicat dans le cadre d'alertes au non respect du Droit du travail. Nous vous recommandons d'éviter donc cette voie qui ne consiste qu'à pratiquer une escalade hiérarchique et d'inroduire ainsi le risque de conséquences ultérieures sur votre carrière... Nous y préférerons des voies connues et fiables : le dialogue reactif ou à défaut le recours prudhommal et/ou pénal. On peut dores et déjà gager que cette procédure sera annexée confidentiellement à un réglement intérieur que déjà peu de salariés connaissent. A suivre donc.