C'est avec un grand pessimisme que nous abordons en ce 16 octobre cette énième séance de négociations sur la mise en place du (ou des) futur(s) CSE à l'issue des élections 2019. La Direction attendait des propositions écrites des OS en vue de cette réunion sur la base des options présentées (1 ou 2 CSE) par la Direction le 19 septembre dernier. Aucune OS n'a estimé nécessaire de redire ce qui a été déjà dit au cours de maints débats précédents, cela d'autant plus que la dernière réunion se solda par des concessions infinitésimales de la Direction : 150h de délégation supplémentaires au légal par mois pour les 97 mandatés prévus dans la proposition de la Direction ! C'est donc sans enthousiasme que nous assistions à une réunion décalée à 14h (signe révélateur que la Direction n'avait que peu de choses à nous dire)...

La Direction entame cette réunion en souhaitant recueillir les réactions des OS sur ses propositions de la précédente séance. La CFDT est invitée à s'exprimer en premier lieu. Nous demandons alors si la Direction compte annoncer quelques propositions modifiées puisque le débat a déjà eu lieu, même s'il a été bref, sur le "saut de puce" patronal du 3 octobre : la réponse est négative comme nous le pressentions. La CFDT déplore alors le gouffre séparant ses positions de celles de la Direction. En s'inspirant d'une citation de Lénine, nous constatons que l'absence de volonté est palpable et par là même ne nous fournit aucun chemin pour aboutir.

La CGT s'exprime sur la nécessité de constituer une UES (Union Economique et Sociale) regroupant AUSY SAS, AUSY AER et AUSY Technology. La crainte est grande de voir AUSY SAS continuer de se vider de ses salariés eu égard à l'amplification du besoin de recourir au Crédit Impôt-Recherche pour nos clients. La filiale AER contient pour l'heure 250 salariés. La Direction se déclare d'accord sur le principe d'une UES, la conséquence en serait le regroupement des salariés d'AER et Ausy Technology sur le périmètre d'instances (par un raisonnement géographique donc) qui demeurent toujours à définir. Nos camarades de la CGT préconisent la constitution rapide d'une UES préalablement aux élections, idéalement avant la fin de l'année. Le syndicat se prononce pour a minima cinq CSE. Il ajoute que dans l'hypothèse ou un seul CSE serait mis en place, la fonction des représentants de proximité doit être directement dérivée de celles des DP actuels (réunions obligatoires, heures de délégation, statut analogue, etc...).

En l'état, il estime insuffisante la proposition de la Direction concernant le nombre de RP. Il juge superflue la contrainte de désigner pour moitié ces RP parmi les élus du CSE. Le syndicat estime que le mandat de RP devra être perçu comme équivalent à celui de DP et en aucun cas dévalué par un principe de réflexe consistant pour un DOP à considérer que les remontées seront au final gérées par un CSE national tous les trimestres. Les OS craignent donc une relâchement des contraintes légales et une perte de temps dans la résolution des cas. La Direction entend cette crainte et confirme son souhait de légitimer à l'identique par accord cette fonction par rapport aux Délégués du Personnel actuels.

La CFDT répète qu'elle considère partir de très loin par rapport aux vues de la Direction. S'agissant des pools d'heures, les propositions de la Direction se situent ainsi à 5% (pool CSE) et 10% (pool OS) de celles de la CFDT. Concernant le nombre de représentants de proximité, la CFDT répète sa demande de 60 RP au lieu des 30 proposés. La CFDT concède sur ce nombre le principe de désigner une partie des RP parmi les suppléants CSE sur une base de volontariat (soit potentiellement donc 25 RP pour un CSE unique doté de 25 élus suppléants). L'objectif de notre revendication est de reproduire le dispositif DP existant, y compris sur le nombre d'heures de délégation qui doit être de 15 heures en lieu et places des 10 heures proposées. La CFDT ajoute qu'elle confirme vouloir aussi confier l'ensemble des prérogatives actuelles des DP aux RP, en y ajoutant le principe d'une présence d'un membre de la Direction des Affaires Sociales aux réunions des RP avec le représentant local ayant délégation de pouvoir de l'Entreprise. Ce rajout dans nos demandes est motivé par le souci d'éviter les dérives évoquées sur la crédibilité de ces futurs représentants aux yeux des managers locaux.

Les OS confirment que les points de blocage actuels sont en priorité le nombre de RP et les heures de délégation. La Direction avance l'idée de modifier le nombre de DS proposés en revenant au cadre légal et d'augmenter en échange le nombre de RP.  Les OS contestent énergiquement cette proposition qui relève du marchandage : je te prends d'un côté et je te donne de l'autre... La CFTC rejoint la CGT et la CFDT sur le besoin de proximité indispensable en terme de nombre d'élus et la nécessité d'avoir les moyens correspondants en terme d'heures de délégation. Le syndicat évoque un surdimensionnement nécessaire du fait de la disponibilité partielle des élus qui sont à 80% en mission clientèle avec des contraintes fréquentes sur leur planning. L'enjeu est donc ici pour la Direction de proposer une gestion équilibrée de l'exercice du mandat avec l'activité professionnelle et de mettre donc en place des mesures et des dispositifs capable d'adresser de façon pertinente cette problématique.

 

Le nombre d'élus et d'heures en priorité sur le mur des lamentations

 

Le débat se porte sur la mutualisation indispensable des heures de délégation et l'utilisation associée d'un outil de gestion de ces heures. La Direction s'exprime positivement sur le principe des pool d'heures et du recours à un outil. La CFTC émet une réserve sur ce principe de mutualisation qui comporte une limitation d'ordre légal : l'élu ne peut utiliser plus de 50% d'heures de délégation supplémentaires à son quota légal (ou conventionnel) mensuel. Le syndicat préconise donc un quota de base plus élevé que le légal et plutôt la faculté de verser au pool les heures non prises. La remarque est entendue par les OS et la Direction qui s'entendent pour prêter attention à cette limitation et envisager ce fonctionnement.

La Direction déclare que le crédit individuel d'heures (défini par la loi) global de l'ensemble des élus mandatés s'élève à 1600 heures par mois. Les OS contestent ce chiffre qui dépasse plutôt les 2000h en intégrant les mandats CE, DP, CHSCT et DS. La Direction évoque que cette évaluation se veut volontairement voisine du crédit global présent dans ses propositions à propos du CSE. Nous y sommes donc : la Direction ne souhaite pas augmenter la voilure existante des heures consacrées au mandat... Tout cela relève de la théorie tant que la gestion réelle des heures de délégation n'est pas faite : une partie des élus exercent actuellement leur mandat bien au-delà du crédit d'heures légal, d'autres ne l'utilisent pas ou peu. Il est donc en l'état impossible de dresser une situation de la consommation faute de déclaratif précis. La Direction veut donc raisonner sur un crédit théorique d'heures correspondant au nombres d'élus actuels et l'associer à une base de nombre d'élus réduit de moitié dans ses propositions : c'est totalement incohérent.

La CFTC demande un crédit de 90 heures pour chaque salarié porteur de mandat quelle que soit le périmètre envisagé, ainsi que huit DS par CSE. Le syndicat demande autant de RP que les DP actuels et les mêmes attributions, 25 élus titulaires par CSE, 20 élus titulaires pour le CCSE. Le syndicat conditionne sa réponse sur le nombre de CSE aux moyens qui seront consentis par la Direction sur l'exercice des mandats et aussi au respect de la conciliation avec l'activité opérationnelle. La Direction suggère que le syndicat précise ses besoins de moyens sur la base de deux CSE. Le syndicat demande aussi des élections complémentaires dans l'hypothèse de la création d'un nouvel établissement, d'une augmentation significative d'effectif ou d'une absorption après rachat. Le syndicat demande des conditions de frais garantissant une égalité de traitement pour les élus et à ce titre qu'elles soient équivalentes à celles des managers dont l'activité de représentation est similaire sur sa forme au travail des élus (réunions, négociation, médiation, conseil).

La CFE-CGC est invitée à s'exprimer sur ses demandes. Le syndicat confirme que les propositions de la Direction ne seront acceptables que si elles n'apportent un plus à l'existant en termes de nombres d'élus et d'heures de délégation, la cible visée étant de 5 CSE. La proposition d'un CSE n'est entendable qu'avec de fortes contreparties : pool CSE de 1000h, 64 représentants de proximité avec 15 heures de délégation chacun, 10 délégués syndicaux par OS. D'autres voix de la CFE-CGC réclament alors 14 CSE... Le "tiret" contenu dans le nom du syndicat prend tout son sens... Pas de position unique donc dans un syndicat partagé entre dialogue et radicalisme. On navigue donc entre 5 CSE, 14 CSE et un CSE par DOP. Le syndicat se déclare attaché à une reproduction du schéma des instances sur le modèle opérationnel. Les autres OS contestent cette vision car automatiquement ces instances dériveraient vers un fonctionnement en silo comme on peut le connaître pour les DOP actuellement. La répartition géographique par établissement est préférable pour les autres OS si on veut justement combattre cette situation féodale des seigneuries DOP. La CFE-CGC exprime pourtant le souhait de se tourner vers l'avenir mais le problème est que cet avenir est encore incertain et il ne s'agit pas de se fier à une boule de cristal... La Direction coupe court à ces considérations et confirme son refus d'aller au-delà de ses propositions en terme de nombre de CSE. Elle déclare vouloir se concentrer sur l'efficience plutôt que la multiplicité des réunions locales de CSE très restreints où les données seraient inexploitables et donc le fonctionnement serait limité pour certains (CSE de moins de 50 salariés).

La CFDT éprouve pressentir, au vu de ce blocage dur et persistant de la Direction, des perspectives prochaines de réorganisations majeures au sein de l'Entreprise. Sinon pourquoi craindre une évolution du périmètre de nos instances ?

La CFTC reproche à la Direction sa vision très normée et inspirée du réglementaire plutôt qu'un regard sur la réalité du terrain. La Direction réplique que le choix des élus est important et qu'il faut retenir en critère principal la capacité d'implication de ceux-ci. Le syndicat répond qu'un encadrement et une formation des nouveaux élus est forcément nécessaire et consommatrice d'heures.

La Direction propose de travailler sur ses propositions et présenter aux OS un projet d'accord avec des aménagements "à la marge" et sans que ce soit conforme aux attentes entendues ce jour auprès des OS. Elle consulte les syndicats pour obtenir leur avis sur ce point. CFDT, CGT et CFTC acceptent de se voir présenter un projet d'accord traduisant la position écrite de la Direction. La CFE-CGC considère pour sa part cette étape comme étant inutile eu égard aux termes "à la marge".  La présentation de ce projet d'accord se fera le 30 octobre prochain, les OS seront invités à se prononcer sur celui-ci. Faute d'entente, la Direction devra prononcer alors sa décision unilatérale que les OS pourront contester auprès de la DIRECCTE sous 15 jours. Ceci mettra un terme alors à ce parcours chaotique de négociation et du même coup à nos espoirs d'améliorer par le dialogue les tristes ordonnances du Docteur Macron...

 

Notre avis : une Direction toujours obsédée par la marge...

 

Cette séance, dont on aurait pu se passer allégrement, démontre encore que la Direction a beaucoup de mal à prendre des notes sur les demandes de chaque syndicat. Demandes qui, et c'est plutôt rassurant puisque nous travaillons tous dans la même Entreprise, sont très analogues et se basent sur le ressenti actuel du fonctionnement des instances courantes. Deux écueils majeurs font aujourd'hui obstacle à toute poursuite plus avant du dialogue de négociation et font consensus chez les OS : les moyens humains à déployer (nombre d'élus) et les moyens en temps (heures de délégation) correspondant pour entendre voire accepter à terme (compte-tenu des autres enjeux) une configuration de périmètre de un ou deux CSE.

Au départ de cette négociation, le souhait de toutes les OS, réunies en intersyndicale, s'orientait vers 5 CSE. L'inflexibilité de la Direction sur ce point poussa les partenaires sociaux à aborder le problème dans son ensemble en espérant ainsi dégager un panel de moyens adéquats vis-à-vis de la mission représentative de la ou des instances CSE. Echec encore, puisque nous constatons comme nos partenaires la faiblesse de moyens du dispositif complétant le périmètre proposé par notre Direction qu'il soit de un ou deux CSE. La Direction, telle la Garde de Nuit, veille sur le Mur de ses positions afin d'éviter d'être submergée de trop nombreuses heures de délégation de trop nombreux porteurs de mandats. Nous vous ferons grâce de notre admiration pour la série Game of Thrones en achevant là le parallèle quoique à y bien penser... le royaume des sept couronnes n'est autre qu'un équivalent des sept (zut, huit en fait) Directions des Opérations : énergie, industrie, système d'informations, Sud-Est, Centre-Est, Sud-Ouest, Rhône-Est , Nord.

Nos partenaires syndicaux nous ont emboîté le pas sur la problématique de l'exercice conjoint des mandats et d'une activité professionnelle. Cet enjeu est majeur dans cette discussion et peut permettre de renforcer le statut des mandatés et améliorer le fonctionnement des instances. Encore une fois, notre Direction ne perçoit pas suffisamment son lien aux moyens demandés et c'est regrettable.

L'issue de crise par le recours en contestation à la DIRECCTE nous apportera certes probablement satisfaction sur le périmètre mais apportera des dommages collatéraux calamiteux sur les moyens qui reposeront sur la pauvre base légale (en l'occurrence exit les représentants de proximité et les pool d'heures). Aucune des parties ne s'avérera véritablement gagnante dans ces conditions : les gains de l'une seront les pertes de l'autre. Les grands perdants seront les salariés que nous représentons. Cette sortie n'est pas souhaitable et il est temps pour la Direction de revenir à la raison et de s'entendre avec les OS sur un compromis. Mais en aucune manière, à la marge...