La négociation sur le périmètre des futures instances représentatives du personnel s'est enfin achevée par la signature de plusieurs accords le 5 avril 2019. Celle-ci avait débuté le 2 mai 2018, soit donc presque une année d'âpre dialogue entre la Direction et les organisations syndicales sur un sujet central : la fusion des mandats CE-DP-CHSCT au sein du CSE, nouvelle instance émanant de la loi travail et dérivée des fameuses ordonnances Macron.

Mais avant de vous décrire le contenu de cette issue favorable de la négociation, revenons à l'enchaînement des évènements depuis notre dernier article relatif à la quatorzième (!) réunion de négociation tenue le 22 janvier dernier. Cette dernière s'était conclue par l'intention de la Direction de soumettre à signature un projet d'accord. Il fut communiqué le 1er février avec un délai de réflexion de 15 jours permettant aux OS de se positionner. La CFDT n'eut point besoin d'un tel délai pour marquer son insatisfaction à propos des positions de la Direction, elles furent déjà exprimées lors du round 14 de négociation. Aucun syndicat ne donna d'ailleurs suite à ce projet que la Direction entendait comme définitif. La situation se trouvant dès lors bloquée, la CFDT décida d'accélérer la convergence et pousser notre Direction vers une opportunité de choix...

 

L'union fait la force dans la guerre des nerfs ...

Conscient qu'une solution négociée prévaut sur l'arbitraire et l'aléatoire d'une décision de l'Inspection du Travail qui priverait ensuite les syndicats de toutes possibilités d'obtenir mieux que la Loi, la CFDT propose à la CFTC (dont les positions sont proches) de travailler conjointement à une contre-proposition avec l'appui supplémentaire de la CGT. Face à une Direction en panne d'interlocuteurs dociles, notre objectif est de coaliser nos demandes et d'apporter un projet idéalisé s'inspirant directement du canevas de propositions contenu dans la version soumise à signature. Le 22 février dernier, trois syndicats (CFDT, CFTC, CGT totalisant une représentativité de 68% en poids de signature) se sont donc déclarés prêts à signer une contre-proposition de projet d'accord envoyée le même jour à la Direction des Affaires Sociales.

Sensibilisée par une position commune largement majoritaire, la Direction réagit le jour même mais n'accepte pas pour autant notre projet en raison de sa trop grande ambition notamment sur les moyens demandés (nombre d'élus et nombre d'heures de délégation). Elle accorde alors, en guise d'ultime effort,  quelques concessions dont quatre membres supplémentaires dans les commissions SSCT.  Ces réponses ne satisfont ni la CFDT ni la CFTC qui maintiennent leurs positions lors d'une réunion plénière organisée le 13 mars afin de respecter un processus loyal de négociation. Le rapport de force est donc établi et la Direction joue alors savamment avec nos nerfs sachant proche l'expiration des mandats (7 avril au soir) et laissant planer en cas de non convergence la menace d'une décision unilatérale de l'Employeur bien en-deça des dernières négociations. Mécontente de l'accueil de ses demandes de moyens, la coalition majoritaire demande alors à la Direction de se positionner sur un effort supplémentaire s'agissant des RP et des DS. La réponse parvient enfin  le 22 mars : la Direction propose cinq représentants de proximité supplémentaires (60 RP au total) et un délégué syndical supplémentaire par OS représentative (cinq DS par OSR au total). Le 26 mars, la CFTC est la première à donner son accord au projet ainsi finalisé suivi ensuite par la CFDT et la CGT. Sur cet accord de principe, un projet révisé est alors soumis à signature et paraphé le 5 avril par les trois organisations syndicales qui ont souhaité prendre leur destin en main (CFDT, CFTC, CGT).

 

Pas si mal en dépit d'une ordonnance indigeste...

 

La négociation trouve donc ici une issue favorable sur la base d'un compromis estimé comme acceptable par les deux parties. Alors oui, on peut toujours rêver mieux, mais il ne faut pas vivre avec des regrets et savoir conclure une négociation, prendre ses responsabilités comme l'ont fait trois syndicats tandis que le quatrième se gardait de toute réaction, tiraillé par des positions internes divergentes. La CFDT a pris une part active au dialogue, fidèle à ses habitudes. Notre Direction a été coriace en diable sur ce sujet du CSE mais on doit lui reconnaître le mérite de la patience pour parvenir à ses fins et son obstination de maintenir une instance unique. Face à ce dispositif inédit, l'avenir nous indiquera si les moyens établis ici sont suffisants. La CFDT a su défendre, proposer et obtenir une représentation régionale des problématiques santé et conditions de travail par le biais de quatre commissions SSCT. La CFDT considère d'autre part que l'objectif de proximité est atteint dans ce dispositif avec 60 représentants qui sont seront les relais et les compléments indispensables d'une instance CSE nationale élargie (52 membres) par rapport au CE actuel (23 membres).

Le bilan de progression peut s'établir sur quelques données chiffrées en comparant les propositions de notre Direction dans le premier projet d'accord (30 octobre 2018) par rapport aux acquis obtenus à la signature ( 5 avril 2019) :

  Premier projet d'accord Accord signé
Délégués syndicaux (DS) 7 DS par OS représentative 5 DS par OS représentative
Représentants de proximité (RP) 30 dont 15 désignés parmi les élus CSE 60 librement désignés
Nombre et composition des Commissions SSCT 13 membres répartis sur 3 commissions 23 membres répartis sur 4 commissions
Nombre d'heures de délégation mensuelles des RP 10h 15h
Nombre total de mandats 98 137
Nombre total d'heures de délégation mensuelle 1956 heures 2540 heures

Le constat est ainsi éloquent. Seul le nombre de DS par Organisation Syndicale a opéré un recul mais il est passé par 3 au cours de la négociation puis remonté à 5 lors de la conclusion. L'objectif de 60 RP, affiché très tôt par la CFDT, a été obtenu.  Il en va de même des 15h de délégation mensuelle, réclamé pour être en phase avec les conditions du mandat actuel de DP. La CFDT est satisfaite d'avoir obtenu une reconfiguration des commissions SSCT en quatre zones régionales et pourvues d'au total 23 membres soit l'équivalent actuel du CHSCT (24 membres) dont le champ de prérogatives est analogue.

Les graphiques ci-dessous indiquent l'évolution, par date depuis le début de la négociation, d'une part du nombre d'élus (en supposant qu'il n'y a pas de cumul de mandats) et d'autre part du nombre d'heures de délégation mensuelle représenté par l'ensemble de ces élus (à l'exclusion des heures des commissions CSE excepté les CSSCT). Ces données sont comparées aux quatre premiers éléments de chacun des graphiques :

  • situation en début de mandature 2015-2019
  • situation en fin de mandature 2015-2019
  • hypothèse d'un périmètre à 3 CSE obtenu par un recours à l'inspection du travail (application de la loi)
  • hypothèse d'un périmètre à 4 CSE obtenu par un recours à l'inspection du travail (application de la loi)

 

Les esprits chagrins diront là qu'un recours en contestation auprès de l'inspection du travail aurait pu aboutir à un périmètre constitué de plusieurs CSE. Mais pour quel résultat ? Avoir près de la moitié des élus (41%) dépourvu d'heures de délégation et réduit à un rôle de suppléant sans possibilité d'assister aux réunions CSE ? Autant dire, des élus n'ayant qu'un rôle de remplaçant en cas de besoin... En donnés brutes, seule l'hypothèse la plus haute, de 4 CSE, aurait été plus prolifique en nombre d'élus (158) que l'issue de la négociation.

Le bilan de cette négociation permet d'obtenir 137 mandats, soit de pouvoir donc proposer à chaque élu actuel (au nombre de 136) une nouvelle fonction lors de la prochaine mandature, là où la proportion moyenne de réduction du nombre d'élus avoisine les 30% dans les entreprises lors du passage de CE en CSE... L'autre avantage du dispositif est d'assurer a minima à 85% des élus de disposer d'heures de délégation pour exercer leur mandat. C'est ainsi qu'est quelque peu traduite dans ce dispositif la morale de cette réforme CSE : moins d'élus et une charge de moyens répartie de façon plus concentrée.  Pour être direct, le mandat représentatif ne pourra plus être "une bonne planque" recherchée pour son statut protecteur... Pour un nombre d'élus qui est donc conservé, le volume d'heures négocié est pour sa part 37% plus élevé que la base actuelle (2540 heures au lieu de 1853 heures). Cela représente 22% de temps de délégation supplémentaire en moyenne par élu disposant d'un quota individuel d'heures.

 

 

Une proximité conservée, et une unité renforcée : l'UES

 

Un bilan donc plutôt positif dans le cadre contraint d'un négociation où l'hypothèse d'un seul CSE était la figure imposée par la Direction. Le dispositif comporte toutefois l'avantage de proposer quatre commissions SSCT régionales dont les périmètres ont été définies afin de minimiser les temps de déplacement. D'autre part, cette négociation a permis d'obtenir la reconnaissance d'une UES, entité morale ayant des intérêts économiques et sociaux communs, comprenant AUSY SAS, AUSY Technology et AUSY Expertise et Recherches (AER). La finalité de cette UES est de fournir à ces trois entités juridiques la même représentation du personnel et d'accéder aux mêmes activités socio-culturelles du CSE. La mise à l'écart d'AUSY Technology et d'AER est ainsi terminée tout comme les difficultés de gestion qui en résultent pour les équipes. Cette solution ne présente que des avantages, il était en effet illusoire d'espérer que des instances propres voit le jour dans ces entités qui sont pour l'une très réduite (cinq à dix salariés) ou pour l'autre l'objet de transfert provisoire de salariés issus d'AUSY SAS.

La prochaine étape du processus de renouvellement des instances est la négociation du protocole d'accord préélectoral (dit PAP) et de l'accord de mise en place du vote électronique. Nous en reparlerons très prochainement puisque la Direction vise le mois de juin pour organiser les élections, autant dire que c'est demain.

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