Cet article est un hommage à une disparue qui nous a quittée depuis six ans : la participation. Vous avez peut-être reçue et lue, au début du mois de mai, l'information de notre Directeur Administratif et Financier décrivant brièvement le calcul de la participation et démontrant ainsi l'absence une nouvelle fois de distribution aux salariés. C'est ici l'occasion pour nous de vous redonner les points essentiels de ce dispositif et de vous montrer ce qu'il a produit comme partage irrégulier de richesses par le passé chez AUSY tout en procédant à son analyse. Cet instrument de reconnaissance fut un facilitateur dans l'Entreprise il y a bien longtemps désormais et l'absence d'un dispositif efficace d'accès aux fruits de la croissance est pour la CFDT AUSY un frein considérable à l'adhésion des salariés qui vivent avec crispation et frustration cette situation, voire même fatalisme pour les plus anciens. Ainsi, nous réservons depuis longtemps dans nos revendications une part importante à l'épargne salariale qui est selon nous un axe primordial de progrès social.
Un peu d'histoire pour commencer : le dispositif obligatoire de participation (pour les entreprise de plus de 100 salariés à l'époque puis 50 en 1990) a été mis en place en 1967 (par ordonnance, mais oui comme quoi ce n'est pas forcément catastrophique une ordonnance !) lors de la présidence du Général de Gaulle (qui portait cette idée depuis l'après-guerre) dans l'esprit de donner des intérêts communs au patronat et au salariat. Ce dispositif a très peu évolué depuis et nous verrons, par l'illustration de sa pratique chez AUSY, qu'il accuse son âge. L'esprit désiré est de redistribuer une partie des bénéfices au profit des salariés auxquels ils ont contribué par leur travail. Ce dispositif est collectif et obligatoirement lié au résultat dégagé afin de respecter l'aléa économique.
Le versement des sommes dues par l'Employeur au titre de la participation doit intervenir avant le 1er mai de l'année suivant l'exercice de référence. Celles-ci sont exonérées de charges sociales salariales et patronales mais soumises toutefois à la CSG-CRDS. Elles ne sont pas soumises à l'impôt sur le revenu à la condition que les fonds demeurent bloqués pendant 5 ans. Ces exonérations sont conditionnées toutefois à l'existence d'un accord d'Entreprise, ce qui est bien le cas chez AUSY. L'accord de participation aux fruits de l'expansion (tel qu'était dénommé ce dispositif dans la loi de 1967) fut conclu en 1992 avec le Comité d'Entreprise (aucun syndicat n'existait alors chez AUSY). Celui-ci failli être substitué en 2013, lors de la conclusion des accords d'harmonisation, par une version modernisée mais la CFDT demanda son retrait des signatures au motif qu'il ne présentait pas d'avancée sur la formule de calcul de la réserve de participation. La négociation fut reportée sur ce sujet et belle et bien enterrée par une Direction fermée depuis lors à tout calcul dérogatoire permettant d'améliorer le déclenchement de la participation.
L'accord d'Entreprise en cours prend en considération la formule de calcul retenue par la loi pour déterminer la réserve de participation. Celle-ci est la suivante :
R = 1/2 * (B - 5% C) * S / VA
où :
B = Bénéfice Net Fiscal (Bénéfice Fiscal diminué de l'impôt sur les sociétés au taux de 33% à ce jour), à ne pas confondre avec le résultat comptable. Le résultat fiscal est obtenu à partir du bénéfice comptable en ajoutant et retirant diverses réintégrations et déductions. Le résultat net comptable est le résultat net diminué de l'impôt calculé sur le bénéfice fiscal. Ouf, c'est dit.
C = Capitaux propres de l'Entreprise, cela comprend : le capital social, les réserves (légale, spéciale..) , le report à nouveau, les provisions non déductibles et les provisions réglementées. Ce sont les ressources financières de l'Entreprise (hors dette), cela symbolise la trésorerie disponible comme ressource stable, l'autre ressource possible étant l'endettement.
S = Assiette salariale. Il s'agit des rémunérations brutes assujetties aux cotisations de SS. Cela ne comprend pas, entre autre, les indemnités de licenciement ou les remboursements de frais professionnels par exemple.
VA = Valeur ajoutée. Il s'agit d'un ensemble composé des rubriques suivantes du compte de résultat : charges de personnel, impôts taxes et versements assimilés, charges financières, dotations aux amortissements, dotations aux provisions et dépréciations, résultat courant (appelée aussi résultat comptable) avant impôt. Cette valeur symbolise la création de richesse brute d'une Entreprise, en gros le chiffre d'affaires diminué des consommations courantes.
Cette formule, dite de droit commun, n'a pas évolué depuis... 1967 ! Les coefficients de celle-ci sont donc d'époque : le 5% représentait le coût financier du capital et le 1/2 correspondait au taux d'imposition des sociétés (50% alors contre 33,33% aujourd'hui).
La négociation permet cependant d'introduire une base de calcul dérogatoire aux deux conditions suivantes :
- les avantages procurés doivent au moins être équivalent à ceux produits par application de la formule légale
- la réserve obtenue par ce calcul ne doit pas dépasser l'un des plafonds suivants, au choix des négociateurs :
- 50% du bénéfice net comptable
- bénéfice net comptable - 5% des capitaux propres
- bénéfice net fiscal - 5% des capitaux propres
- 50% du bénéfice net fiscal
La loi précise explicitement des exemples de base de calcul comme 30% du bénéfice net fiscal ou la prise en compte de l'évolution des actions de l'Entreprise (plus d'actualité, Randstad ayant AUSY retiré du marché boursier).
La participation est ouverte à tous les salariés de l'Entreprise présents dans les effectifs lors de l'année considérée. L'accord AUSY prévoit une condition d'ancienneté de 6 mois pour bénéficier de la participation mais celle-ci est maintenant plafonnée à 3 mois par une évolution légale postérieure à l'accord.
La répartition de l'enveloppe de participation peut se faire selon trois modes qui peuvent être mixés entre eux :
- répartition proportionnelle aux salaires versés (dans la limite collective de 4 fois le plafond de la SS et dans la limite individuelle de 75% du même plafond) au cours de l'année de référence avec possibilité d'introduire un salaire plancher dans le calcul
- répartition uniforme par bénéficiaire
- répartition proportionnelle au temps de présence (pour du travail effectif ou assimilé comme tel)
L'accord chez AUSY stipule que 50% de la réserve est répartie proportionnellement au salaire et les 50% restants proportionnellement au temps de présence.
Si vous êtes arrivés à lire cet article jusque ici (!) malgré sa technicité et le fait que vous n'avez probablement jamais connu de participation chez AUSY (ou trop peu) comme beaucoup, vous allez être récompensé puisque nous allons nous regarder dans le rétroviseur et analyser le passé. Le graphique ci-dessous vous permet d'observer sur les dix derniers exercices le comportement des différentes composantes de la fameuse formule légale de calcul de la réserve de participation. Le ratio (S/VA) varie dans de faibles proportions et en qualité de coefficient n'a que très peu d'influence sur le calcul. Le bénéfice (B) vit sa vie en fonction de l'aléa économique alors que les capitaux propres (C) n'ont fait que croître durablement sur une pente de plus en plus forte. La synthèse est d'une stupéfiante linéarité : les fonds propres ont décuplé en dix ans ! Ils ont chuté très significativement en 2018, sous l'effet de remontées de dividendes vers RANDSTAD. Une pratique nouvelle (Le Groupe AUSY n'ayant jamais versé de dividendes à ses actionnaires lorsqu'il était autonome) qui pourrait tendre à inverser cette tendance.
C'est ici le vrai fait majeur de cette décennie d'observation et c'est la résultante de la stratégie d'AUSY depuis toujours : absence de distribution de dividendes aux actionnaires, mise en réserve des bénéfices, augmentation de capital via les marchés. Cette politique historique a sécurisé les créanciers et permis à l'Entreprise d'emprunter à des taux avantageux par la confiance des banques. AUSY a ainsi atteint un endettement à hauteur de plus de 80% de ses fonds propres : essayer d'en faire autant auprès de votre agence bancaire ! Ces choix stratégiques sont de notre point de vue peu discutables, ils ont permis de financer la croissance visée et nous empêche de scander des slogans du type "l'argent dans la poche des actionnaires, que reste-t-il au salarié ?" qu'on peut voir dans beaucoup de grands groupes qui en arrivent à délocaliser pour de fallacieuses raisons. Non, ici l'argent reste dans le coffre, il s'agit d'immobilisme financier. Autant cette stratégie était défendable lorsque nous étions autonomes, autant depuis que RANDSTAD est devenu notre actionnaire unique, elle peut être battue en brêche... Quelle nécessité de mobiliser une telle masse de fonds propres dans une filiale ? Et pourtant, c'est là le message de notre Directeur Administratif et Financier, RANDSTAD a décidé de maintenir ces fonds aux fins de poursuivre le développement et de réduire son endettement.
Ces déclarations de notre propriétaire unique soulèvent des questions sur les pratiques de financement qui vont s'établir entre AUSY et RANDSTAD. Les chantiers de transformations (dont entre autres 3M€ sur la digitalisation) actuels nécessitent des investissements dont l'origine est interne d'après nos informations et on peut donc penser que ces fonds propres subiront une inflexion dans un avenir proche. Toutefois, la CFDT va interpeller la Direction et réclamer une vision précise sur le plan de financement de la stratégie actuelle et future. Nous ne pouvons pour l'heure apporter un éclairage plus précis, faute d'éléments. Il est important de relever que deux événements pénalisent grandement vos représentants. En premier lieu, le rachat de RANDSTAD et sa volonté de nous extraire des marchés boursiers (puis de modifier notre statut de S.A. à S.A.S) a provoqué l'arrêt d'obligation de communication d'informations financières détaillées chaque année. Le préjudice est important car ces précieuses données permettaient à chacun d'avoir une vision précise des comptes de l'Entreprise. C'est à présent une pêche fastidieuse aux informations qu'il nous faut effectuer et obtenir le bon vouloir de RANDSTAD qui répugne de base à communiquer sur ses filiales. En second lieu, la stratégie d'AUSY n'est déclinée, comme à l'habitude, que par le prisme de plans intitulés "Horizon 2020" puis "Renaissance 2023" remplis de bonnes intentions et assortis d'une clef majeure consistant à viser le Milliard de Chiffres d'Affaires. Cet ensemble d'orientations stratégiques très générales n'est pas assorti d'un plan de financement précis, d'où notre incapacité à percevoir son impact sur les fonds propres.
Cette parenthèse s'achève, vous aurez donc perçu que l'élément important de notre formule de calcul de droit commun est le terme (B-5%C) et il est fâcheux de constater que sur les cinq dernières années les bénéfices ne représentent plus qu'environ 2% des fonds propres. Vous aurez conclu que par conséquent le terme est négatif mais rassurez vous, en ce cas, le salarié n'est point obligé de verser de l'argent à sa Direction (!), la réserve est déclarée nulle. Tout comme ce dispositif de participation qui n'a rien de souple et ne s'adapte ni aux stratégies actuelles ni aux spécificités de l'Entreprise moderne. On peut encore le valider pour une Entreprise ayant peu de fonds propres et générant des bénéfices significatifs, mais il atteint ses limites sur une Entreprise de grande taille à la stratégie prudente et qui plus est maintenant dépourvue d'actionnaires multiples.
Le graphique ci-dessous s'adresse plus particulièrement à votre statut de bénéficiaire potentiel de la participation. Il récapitule sur presque vingt ans de vie chez AUSY d'une part le montant global de la réserve de participation pour l'exercice de référence ainsi que la proportion que représente la participation perçue par un salarié par rapport à son salaire mensuel net sur l'exercice de référence, considérant qu'il est présent depuis 1998 (exemple véridique, il y a encore des grands anciens malgré notre turn-over).
Votre oeil sera d'abord attiré par le pic de participation versé en 2011, sachez que cette année est spécifique : le crédit impôt recherche (CIR) avait pu être intégré pour 9M€ au calcul du bénéfice servant au calcul de la participation. Cette possibilité a été rapidement rejeté par le Conseil d'Etat par la suite, ce fut donc le seul exercice où le CIR "sauva" la participation qui sans quoi aurait du être nulle... Sachez aussi qu'un autre crédit, le crédit d'impôt compétitivité (CIC) n'a lui pas d'effet sur le calcul de la participation. Deux périodes plutôt fastes se révèlent sur ce graphique : l'époque de la fameuse "bulle internet" où l'Entreprise générait de larges profits et possédait peu de fonds internes, et une période que l'on appellera "Sarkozy" (sans lien aucun, juste par cohérence de date) où l'Entreprise a accéléré son développement en changeant de dimension physique et financière, après une période délicate où Philippe MORSILLO prit la tête du management et implanta de nouvelles méthodes. Malgré des résultats toujours positifs, on aperçoit donc que la moitié des exercices n'ont pas permis de partager la croissance avec les salariés. L'ambition des "anciens" que nous sommes pour un certain nombre est de retrouver un niveau satisfaisant d'épargne salariale qui peut se ressentir à partir d'une proportion de 30% d'un salaire mensuel comme vécu dans l'Entreprise. Comment ? En faisant appel à une formule dérogatoire telle 30% du bénéfice net fiscal, puisque hormis cela point de salut si les fonds propres persistent en volume. IL n'est toutefois par certain que cela puisse revenir à des niveaux suffisants, c'est pour cela que la CFDT demande aussi à négocier sur l'intéressement dont nous parlerons dans un autre article.
Le président Macron portait l'idée d'une incitation des Entreprises à redistribuer une partie des profits aux salariés. La loi PACTE intitulé "plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises" fut promulguée le 23 mai 2019. Elle apporte quelques modifications au régime de la participation aux résultats de l'entreprise : elle aménage les règles de déclenchement de l'obligation de sa mise en place, abaisse le plafond individuel pour le calcul de la réserve spéciale de participation et supprime, pour l'avenir, la possibilité de placer la prime de participation sur un compte courant bloqué.
Pas de révolution donc sur ce dispositif mais une accessibilité plus large. Une mesure est cependant à noter : lorsque la répartition de la RSP (réserve spéciale de participation) est proportionnelle au salaire perçu, le salaire servant de base à son calcul était jusqu’à présent plafonné à 4 fois le plafond annuel de la Sécurité sociale (PASS) (soit 162 096 € pour 2019). Le législateur réduit ce montant à 3 fois le PASS (121 572 € pour 2019) dans le but de favoriser une répartition proportionnelle aux salaires plus équitable. Dans les trois ans suivant la publication de la loi, le gouvernement devra remettre au Parlement un rapport évaluant les effets économiques de cette mesure et l’opportunité d’une nouvelle réduction du plafond à 2 PASS. On s'intéresse donc ici à une répartition plus juste mais pas au fondamental : le calcul de la formule légale, qui peut toujours faire l'objet d'un mode dérogatoire à négocier au bon vouloir de l'employeur.
Selon le ministère du travail, 41% des salariés ont bénéficié de la participation en 2015 pour un montant moyen de 1407 €. Cette dernière somme nous fait rêver et s'apparente à notre meilleure année 1999 ! Un rapport remis au gouvernement pointait la piste de la réforme de la formule de calcul vieille de 50 ans. Elle suggère de considérer le bénéfice net comptable plutôt que cette étrange équation que personne ne comprend véritablement. Le réticent patronat n'a sans doute pas été convaincu que cet effort favoriserait la motivation et la fidélisation des salariés. Deux choses qu'AUSY serait bien inspirés de doper face à un marché du travail énergique... La CFDT, dont vous aurez compris l'appétence vers ce sujet, revendique un changement radical de formule !
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