21 novembre 2024

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Présentation et contexte

 

Ce dispositif, entré en vigueur le 23 décembre 2017, permet à l'Entreprise de prévoir, par accord collectif validé par l'administration, des suppressions d'emploi, en dehors de tout licenciement et de raisons économiques. Les ruptures du contrat sont considérées d'un commun accord et ouvrent droit pour le salarié à une indemnisation de l'employeur et aux allocations de chômage.

Ce dispositif s'inspire d'une part du mécanisme jurisprudentiel du plan de départ volontaire (PDV) et d'autre part de la rupture conventionnelle individuelle. Un rapport fait au Président de la République précise que ce dispositif vise à permettre à l'entreprise d'anticiper les évolutions et de transformer l'entreprise de façon simple, rapide et sécurisée sans automatiquement passer par un plan de sauvegarde de l'emploi. Il doit être employé comme une mesure d'organisation préventive.

La rupture conventionnelle collective (RCC) est un des trois dispositifs légaux permettant de réaliser des mobilités volontaires externes. Elle s'y situe entre la mobilité externe organisée dans le cadre d'un accord de GPEC et le plan de départs volontaires (PDV).

Les PDV peuvent être de 3 espèces :

  • institués dans le cadre d'un accord collectif portant sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), ils visent à adapter la structure des effectifs aux évolutions économiques et technologiques de l'entreprise ;
  • adossés à un licenciement collectif pour motif économique : dans cette hypothèse, ce plan se conçoit comme un préalable à l'application des critères relatifs à l'ordre des licenciements ; les ruptures de contrat de travail concerneront en priorité les salariés volontaires et les licenciements ne seront prononcés que si le nombre de candidats aux départs s'avère insuffisant ;
  • exclusifs de tout licenciement qui ne s'applique que sur la base du volontariat mais vise à supprimer certains emplois sensibles ou en sureffectifs (on parle alors de PDV autonome)

 

Quelle articulation entre RCC, PSE et PDV autonome ?

 

Même si la logique de la RCC, fondée sur les départs exclusivement volontaires, est effectivement proche de celle des PDV autonomes, en pratique la RCC s'en distingue sur 3 points :

  • elle est mise en place obligatoirement par un accord collectif : à l'inverse, un PDV autonome peut être soit négocié dans le cadre d'un accord portant sur un PSE (Plan de Sauvegarde de l'Emploi), soit fixé de manière unilatérale ;
  • elle ne repose pas sur une logique de seuils contrairement au PDV autonome (entreprise d'au moins 50 salariés envisageant un licenciement collectif d'au moins 10 salariés sur une même période de 30 jours) ;
  • l'employeur n'a pas à démontrer l'existence d'un motif économique au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail pour la proposer

RCC et PDV sont donc deux dispositifs appelés à coexister.

La RCC est  un outil qui a un double objectif :

  • favoriser, dans un cadre de restructuration, la gestion prévisionnelle de l'emploi et d'adaptation des compétences aux évolutions de l'entreprise ;
  • aboutir à un accord collectif permettant de sécuriser les départs des salariés volontaires.

Déconnectée de tout motif économique et donc de la nécessité de supprimer des emplois de façon contrainte, la RCC n'a pas vocation à être mise en oeuvre simultanément à un PSE dans le cadre d'un même projet de restructuration et de compression des effectifs - dans cette situation, la coexistence de départs volontaires et de licenciements contraints doit s'effectuer dans le cadre de la procédure PSE (PSE « mixte » avec phase préalable de volontariat) ». PSE après RCC ? C'est possible. Une fois la période de mise en oeuvre de l'accord RCC terminée, rien n'interdit formellement l'employeur de négocier un PSE, et même si ce n'est pas en cas d'insuccès de l'appel à volontariat dans la RCC...

Le dispositif de RCC présente certains avantages pour un employeur :

  • réaliser une compression d'effectif dans un climat apaisé sans procéder à des suppressions d'emplois contraintes,
  • réaliser par anticipatio une diminution des effectifs qui s'impose à l'entreprise sans l'exigence d'un motif économique au sens de l'article L. 1233-3,
  • accompagner une réorganisation de l'entreprise sans avoir à justifier que celle-ci réponde à la nécessité de sauvegarder sa compétitivité ;
  • être dispensé de l'obligation de reclassement interne

L'inconvénient en est le coût : l'aval des syndicats sur une RCC plutôt qu'un PSE suppose que l'entreprise offre beaucoup plus aux salariés que ce à quoi elle est tenue dans le cadre d'un PSE. Une entreprise qui rencontre des difficultés économiques, n'a pas de raisons d'opter pour le mécanisme de la RCC, sachant que les mesures d'accompagnement proposées dans le PSE seront appréciées par l'administration, et le cas échéant, par le juge, au regard de ses moyens financiers.

Non négligeable, également, le coût de son éventuelle contribution à la réactivation du bassin d'emploi concerné par la suppression d'emplois dans le cadre de l'obligation de revitalisation qui s'impose aux entreprises d'au moins 1 000 salariés.

Comme pour la RC individuelle, la mise en oeuvre de l'accord de RCC suppose le consentement du salarié et de l'employeur, lequel emporte rupture du contrat de travail d'un commun accord. A l'inverse, contrairement à la RC individuelle, seul l'accord collectif est validé par l'administration. Une fois cette validation obtenue, l'accord entre l'employeur et le salarié n'est soumis à aucune procédure de validation (la rupture n'est pas homologuée), à l'exception toutefois, de l'autorisation de l'inspection du travail requise pour les salariés protégés

 

Le contexte de mise en place

 

Seul l'employeur peut avoir l'initiative de la négociation d'un accord collectif portant rupture conventionnelle collective.

Un motif économique ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre d'une RCC. Le contexte ainsi que le but poursuivi devront toutefois apparaître dans le préambule de l'accord RCC. L'entreprise peut prévoir des suppressions d'emploi en dehors de tout licenciement collectif et en dehors de toute raison économique. Il peut s'agir par exemple d'une entreprise qui souhaite renouveler les compétences de ses salariés en raison de l'évolution des technologies ou qui lance une nouvelle activité ou qui souhaite rajeunir sa pyramide des âges.

L'engagement du maintien de l'emploi par l'employeur doit figurer expressément dans l'accord, ce qui constitue un point de vérification obligatoire de la DIRECCTE lors de l'examen de la demande de validation. Il est donc important de bien mentionner la durée de la mise en oeuvre de la RCC. Elle fixe le délai en deçà duquel des licenciements pour motif économique ne pourront être envisagés.

Le ministère du travail délivre à ce sujet une mise en garde : « s'il s'avère finalement que l'employeur détourne la mesure de sa finalité afin de contourner l'obligation de mettre en place un PSE (en particulier si les salariés font l'objet de pressions avérées pour obtenir leur consentement), les juges pourraient considérer qu'il s'agit en réalité d'un licenciement économique déguisé et l'employeur pourrait se voir infliger de lourdes sanctions à la fois civiles (nullité des licenciements) et pénales... ».

La conclusion d'un tel accord n'empêche pas l'entreprise de recruter par la suite.

La jurisprudence confirme la possibilité de recourir à ce dispositif en cas de difficultés économiques, dès lors que l'accord prévoit l'engagement pour l'employeur de ne pas procéder à des licenciements économiques pendant un délai de 12 mois suivant les premiers départs.

Le dispositif est basé uniquement sur le volontariat, le choix laissé au salarié est clair : celui de quitter ou non l'entreprise.

Ce dispositif est ouvert à toutes les entreprises quelle que soit leur taille.

 

La mise en place

 

La rupture conventionnelle collective ne peut être mise en oeuvre que par un accord collectif qui définit les conditions et les modalités de rupture. L'administration doit être informée sans délai de l'ouverture d'une négociation en vue de cet accord. Cela lui permet d'exercer un suivi de la négociation collective, ainsi que de procéder à la désignation du directeur régional compétent pour se prononcer sur la demande de validation de l'accord. La DIRECCTE compétente est celle dont relève l'établissement en cause.

Pour être valable, l'accord doit être signé par une ou plusieurs organisations syndicales majoritaires. Lorsque l'accord a été signé par des syndicats ayant recueilli plus de 30 %, mais n'ayant pas atteint les 50 %, l'employeur peut le soumettre pour validation au référendum des salariés.

Contenu obligatoire de l'accord

L'accord portant rupture conventionnelle collective doit prévoir :

  • le nombre maximal de départs envisagés, de suppressions d'emplois associées, et la durée pendant laquelle les ruptures du contrat de travail peuvent être engagées sur son fondement ;
  • les conditions que doit remplir le salarié pour en bénéficier ;
  • les modalités de présentation et d'examen des candidatures au départ des salariés, comprenant les conditions de transmission de l'accord écrit du salarié au dispositif prévu par l'accord collectif ;
  • les critères de départage entre les potentiels candidats au départ ;
  • les conditions d'exercice du droit de rétraction des parties ;
  • la conclusion d'une convention individuelle de rupture ainsi que ses modalités ;
  • les modalités de calcul des indemnités de rupture garanties au salarié, qui ne peuvent être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement ;
  • des mesures visant à faciliter l'accompagnent et le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents, telles que le congé de mobilité, des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion ou des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés. La DIRECCTE doit contrôler le caractère précis et concret de ces mesures avant validation de l'accord. En revanche, sur le plan juridique, ni le contrat de sécurisation professionnelle, ni le congé de reclassement ne sont susceptibles d'être mobilisés, puisqu'ils sont directement rattachés au régime du licenciement économique, dont est déconnectée la RCC.
  • les modalités de suivi de la mise en oeuvre effective de l'accord RCC.

Un ciblage autorisé mais encadré

L'employeur peut réserver le départ dans le cadre d'une RCC à certains types de salariés. La logique même de la RCC est de permettre à l'employeur, en lien avec les organisations syndicales, d'anticiper sur l'évolution des compétences des salariés et notamment de ceux qui sont exposés aux évolutions économiques ou technologiques. Dès lors, un accord RCC peut définir les types d'activités et postes sur lesquels les mesures de départs volontaires sont envisagées.

De telles dispositions sont licites si elles respectent le principe d'égalité de traitement et si les règles déterminant les salariés éligibles au départ volontaire sont préalablement définies et objectives. L'administration s'assurera à ce titre que les critères de sélection des candidats aux départs sont clairement définis et tiennent compte autant que possible de la viabilité du projet professionnel du salarié.

L'accord peut notamment subordonner le départ volontaire d'un salarié à la condition que le salarié volontaire au départ présente une offre sérieuse de reclassement externe ou un projet sérieux de création ou reprise d'entreprise. Une attention particulière sera portée aux conditions d'expression du volontariat, afin qu'il reflète le "choix non équivoque des salariés concernés".

Il convient d'être vigilant sur les critères de sélection des candidats aux départs et de leur absence de caractère discriminatoire au sens de l'article L. 1132-1 du code du travail. Toutefois, l'appel au volontariat peut susciter l'intérêt des salariés âgés qui y voient un moyen de partir plus tôt à la retraite. Il convient dans ce cas de s'assurer que le volontariat leur permet soit de réaliser, comme tout autre salarié, un projet professionnel réel, soit de liquider leur pension de retraite immédiatement ou de manière différée via un portage financier ouvert intégralement par l'entreprise. La RCC ne doit pas être détournée de son objet en faisant peser sur les comptes publics et l'assurance chômage des charges supplémentaires du fait d'un ciblage inapproprié sur les personnes seniors. En tout état de cause, la DIRECCTE ne validera pas un accord portant RCC qui ne comporte que le versement d'indemnités de départ visant des salariés sélectionnés sur le seul critère de l'âge ou de l'ancienneté.

Le comité social et économique (CSE) doit seulement être informé. Il n'est pas consulté ni sur le projet d'accord ni sur le projet de compression d'effectif porté par l'accord collectif. En revanche, il est consulté de manière régulière et détaillée sur le suivi de sa mise en oeuvre effective. Ses avis sont transmis à l'administration. Cette dernière est associée au suivi de ces mesures et reçoit un bilan, établi par l'employeur, de la mise en oeuvre de l'accord RCC. Ce bilan est transmis à la Direccte au plus tard un mois après la fin de la mise en oeuvre des mesures prévues pour faciliter le reclassement des salariés. Ce bilan impose, notamment :

  • d'identifier les « bénéficiaires » de l'accord selon la tranche d'âge à laquelle ils appartiennent (moins de 35 ans, 36 à 45 ans, 46 à 57 ans et 57 ans et plus) ;
  • de préciser le nombre d'embauches réalisées en remplacement des départs volontaires, également ventilé par âge ;
  • d'indiquer pour chaque mesure d'accompagnement mise en place, le nombre de salariés concernés ;
  • de renseigner la situation de chaque salarié à l'issue de la rupture du contrat de travail (ventilée en fonction du bénéfice ou non du dispositif du congé de mobilité).

Une fois conclu, l'accord doit être transmis à la Direccte pour validation. La transmission de l'accord à la Direccte est faite par voie dématérialisée. A compter de la réception de l'accord, l'administration dispose de 15 jours calendaires pour notifier à l'employeur sa décision de validation. Ce délai court à compter de la réception du dossier complet par l'administration (accord, informations permettant de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles il a été conclu,  mise en oeuvre effective de l'information du CSE). Passé ce délai, le silence de l'administration vaut décision implicite d'acceptation de validation.

L'administration valide l'accord après avoir procédé à un contrôle de conformité et de régularité. Elle doit s'assurer :

  • de l'exclusion de tout licenciement pour atteindre les objectifs qu'il fixe en termes de suppression d'emplois ;
  • de la présence dans l'accord de toutes les mesures imposées par le code du travail (indemnités de rupture, mesures de reclassement) ;
  • du caractère précis et concret des mesures d'accompagnement et de reclassement des salariés ;
  • que le CSE a été régulièrement informé.

Si ce contrôle est restreint, il n'en porte pas moins sur des données sensibles. Elle devrait :

  • veiller à ce que le recours à ce dispositif n'ait pas pour objet de contourner les règles relatives au licenciement pour motif économique collectif et notamment l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE)
  • porter une attention particulière à la catégorie des salariés « ciblés » par l'accord (absence de discrimination, notamment en raison de l'âge)
  • veiller au respect d'un certain équilibre entre le « volet reclassement » et « le volet indemnités » de l'accord, d'éviter ainsi que la procédure de rupture conventionnelle soit perçue comme instaurant uniquement un « enregistrements de départs ».

 

La mise en oeuvre

 

L'employeur lance un appel à candidatures selon les modalités prévues par l'accord collectif. Celui-ci doit, en effet,déterminer les modalités de présentation et d'examen des candidatures au départ des salariés éligibles, comprenant les conditions de transmission de l'accord écrit du salarié à ce dispositif.

Les candidats au départ doivent être sélectionnés en application des critères définis dans l'accord. Si toutefois le nombre de salariés candidats au
départ est supérieur au nombre maximal de départs envisagés, ils seront départagés en fonction des critères de départage (l'âge ne pouvant être pris en compte) prévus par l'accord.

Si l'employeur constate que le nombre de candidats au départ volontaire est inférieur à son objectif, il a deux possibilités : soit il en reste là, soit il engage une procédure de licenciement pour motif économique. Dans cette dernière hypothèse, il devra suivre cette procédure à la lettre (existence d'un motif économique tel que défini par le code du travail, consultation des représentants du personnel, élaboration éventuelle d'un PSE, mise en oeuvre du congé de reclassement ou du CSP, respect de la priorité de ré-embauchage...).

Les salariés candidats dans le cadre du dispositif ne sont pas pour autant certains de quitter l'entreprise puisque c'est l'employeur qui, au final, accepte ou non ce départ. L'acceptation par l'employeur de la candidature d'un salarié emporte rupture du contrat de travail d'un commun accord.

Le refus d'une candidature doit être objectif sinon elle pourrait engager la responsabilité de l'employeur si elle n'est pas légitime, à titre d'exemple : demandeur qui ne relève pas de l'une des catégories professionnelles visées par le plan, qui n'appartient pas à un établissement ou à un service éligible au titre de l'accord collectif, demande présentée hors délai, candidat qui n'atteint pas l'ancienneté requise par l'accord ou encore nombre de suppression d'emploi atteint.

Il est possible pour les parties de se rétracter dans les conditions fixées par l'accord RCC.

Afin de déterminer précisément la date de la rupture d'un commun accord du contrat de travail et de clarifier ainsi le point de départ du délai de 12 mois de son éventuelle contestation devant le juge, cette rupture doit donner lieu à la conclusion d'une convention individuelle de rupture dont les modalités sont fixées par l'accord.

La rupture du contrat de travail ouvre droit pour le salarié aux indemnités de rupture prévues par l'accord. Le salarié peut également prétendre au versement des allocations d'assurance chômage, sous réserve de remplir toutes les conditions pour en bénéficier.

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