Une précision d'abord : malgré la date du jour, cette article ne recèle pas de canular. La situation est suffisamment sérieuse pour éviter d'introduire toute information fantaisiste dans notre activité d'information aux salariés victimes de cette crise sanitaire sans précédent et dont la durée est une inconnue anxiogène pour tous.
Lundi dernier (30 mars) s'est déroulée la première session d'une réunion extraordinaire du CSE consacrée à la crise sanitaire qui comportait les point suivants :
- Information et consultation sur la mise en place de l’Activité Partielle
- Information et consultation sur l’imposition de congés payés dans le cadre du recours à l’activité partielle, conformément à l’article 2.3.2 de l’accord Syntec du 16 octobre 2013, mesure de nature à limiter le recours à l’activité partielle.
- Information et consultation sur la mise à jour du DUER
- Information et consultation sur les dispositions prises pour le Coronavirus
- Mise en place d’une commission Covid-19
Cette réunion s'est tenue en visioconférence, confinement oblige. Gérald FILLON, Directeur Général France a présenté au CSE un état de situation de l'activité et des estimations financières sur le premier semestre. Celles-ci reposent sur une hypothèse (toute théorique) de levée de confinement début Mai. Nous ne pouvons ici divulguer ces données, sachez cependant qu'elle donne un éclairage sur la portée du ralentissement d'activité et ses conséquences sur le résultat de l'Entreprise. Ces chiffres reposent bien sûr sur des estimations d'activité encore incertaines pour le deuxième trimestre. Une autre hypothèse de travail est aussi en cours d'évaluation avec une levée de confinement fin Mai. Ce qu'il faut en retenir pour l'heure est que l'Entreprise est en capacité d'absorber cette crise en raison de sa solidité financière (124 M€ de capitaux propres à fin 2018). Pour cela, elle doit cependant être réactive au moment du redémarrage économique au moment de la sortie de confinement, et conserver sa main d'oeuvre. L'Etat a conscience de ces enjeux et propose donc un soutien massif au dispositif d'activité partielle (autrefois appelé "chômage partiel", mais le terme était sans doute trop connoté négativement) qui est préférable à des licenciements économiques expédiant dans la rue des millions de travailleurs.
La plupart des commandes clients sont trimestrielles et l'activité se retrouve donc conjoncturellement freinée au moment de la mise en place du confinement (17 mars). Après une période d'ajustement, les clients analysent la capacité à produire du travail à distance et font le tri entre d'une part les projets de sous-traitance qui pourraient être suspendus et reprendre après le confinement, d'autre part les projets prioritaires pouvant être maintenus. L'activité actuelle est d'environ 60% qui se répartisse en 50% sur l'AT (assistance technique) et 70% sur l'ER (engagement de résultat). Ces chiffres sont de notre avis plutôt encourageants au vu du peu d'anticipation que nos dirigeants ont pu disposer. Le télétravail n'est pas encore une institution chez AUSY, un accord d'entreprise y aurait sans aucun doute donné une impulsion plus rapide. C'est ainsi qu'un certain nombre de consultants sont encore en attente de matériel pour être opérationnel. Matériel qui évidemment demeure indisponible auprès des fournisseurs dont les temps d'approvisionnement se rallongent au vu de la forte demande et de la dépendance au marché asiatique touché de plein fouet par la crise sanitaire. C'est bien là que des leçons seront à tirer de cette pandémie qui bouleverse nos façons de travailler et nous contraint à nous adapter radicalement au travail à distance. Notre profession s'y prête volontiers mais imaginer cette crise il y a vingt ans ou plus ? Les réseaux haut débits n'existaient pas et les ordinateurs portables encore rares et coûteux. L'activité aurait alors été dramatiquement arrêtée. Dans notre situation, il faut donc savoir relativiser et prendre du recul sur les évènements plutôt que de s'apitoyer dans un effet destructeur...
Vous avez sans doute reçu une première information de la Direction sur le recours au chômage partiel sous la forme d'un courrier électronique de Gérald FILLON le 27 mars dernier. Certains d'entre vous se sont vu déjà signifier individuellement ce régime, d'autres en seront informés dans les jours qui viennent nous a-t-on annoncé. L'Entreprise doit toutefois effectuer la démarche de demande auprès de la DIRECCTE. L'accord obtenu, l'application du dispositif peut être rétroactive et la Direction a évoqué la date du 23 mars pour le début des premières mises en activité partielle. Nous avons déjà évoqué ce sujet dans notre article précédent, des interrogations restent cependant en suspens comme par exemple la continuité de la couverture santé pendant la période de chômage partiel. La Direction répond que des échanges ont lieu avec l'assureur sur ce sujet. Le point délicat réside dans le fait que le salarié en activité partielle ne cotise plus, comment donc vont s'équilibrer les régimes pendant cette période de recours massif au chômage partiel. Nous attendons donc une réponse sur ce sujet, sans douter que le salarié conservera sa couverture mais en conservant un doute sur le coût induit. Qui le prendra en charge ? La question reste posée... Tout comme la certitude que les simulations de rémunérations doivent être disponibles et fiables. La Direction a confirmé l'application de notre accord de branche sur le chômage partiel qui garantit une meilleure indemnisation que la Loi. Nos calculs (disponibles dans notre article sur l'activité partielle) sont basés sur les taux de prélèvement et nous pensons être très proches de la réalité. Il serait urgent que la Direction propose ses données afin d'éclairer ses salariés. Beaucoup d'entre vous nous interrogent sur plusieurs aspects mais n'ont pas réellement une idée précise de leur perte de salaire.
La Direction a aussi évoqué le fait de contacter le salarié en cas de rendez-vous Client pour une mission (appelé aussi RT) qui interromprait de fait momentanément la période d'activité partielle. Cette idée à lever un tollé auprès des élus qui considèrent que le salarié ne peut être joint pendant cette période au même titre que des congés ou un arrêt maladie. Si cela est évidemment légitime, nous pensons qu'il faut y introduire de la nuance : un salarié peut souhaiter reprendre une activité plutôt que de se morfondre confiné dans son modeste appartement, il ne faut donc pas s'arcbouter sur des principes rigides, l'objectif est le retour à l'emploi et la profitabilité de l'Entreprise.
La question des congés fut ensuite abordée. Il faut tout d'abord rappeler que la loi d'urgence sanitaire a produit une ordonnance relative à l'imposition de congés dans le cadre des mesures d'urgence. En résumé, cette ordonnance permet à l'employeur :
- par négociation d'un accord collectif, d'aller jusqu'à imposer 6 jours de congés payés avec un délai de prévenance d'un jour,
- d'imposer unilatéralement la prise de jours de RTT et/ou de jours du CET dans la limite de 10 jours.
En parallèle à cela, l'accord de branche sur l'activité partielle préconise, en préambule au recours à l'activité partielle, la demande au salarié de prendre des jours de congés. Lors de la réunion, la Direction a évoqué cette possibilité qui a été notamment mise en oeuvre auprès des salariés en structure, prétextant que la DIRECCTE veille à ce que l'employeur ait utilisé ce type de démarche avant de demander le recours à l'activité partielle. Ce qui est vrai avant cette état d'urgence sanitaire, ne l'est plus maintenant : la DIRECCTE n'effectue plus ce type de vérification. Cela n'est, il est vrai, plus nécessaire quand on dispose d'une ordonnance telle qu'évoquée plus haut... Le discours hésitant employé par la Direction lundi dernier s'est affirmé singulièrement ce jour (1er avril) : elle a envoyé un message aux élus évoquant son intention de lever le deuxième instrument de l'ordonnance, à savoir le recours aux 10 jours potentiels des réservoirs CET et RTT. Et ce n'est pas un poisson d'avril évidemment...
La CFDT souhaite que l'ensemble des dispositions concernant les congés fassent l'objet de négociations. Cela n'en prend pour l'heure pas le chemin mais nous mettons en garde la Direction sur les inégalités de traitement qui interviendront selon la relation du salarié au manager et les pratiques non uniformes qu'une décision de ce type entraînent invariablement. La position de la Direction est de recommander au salarié de considérer que des prises de congés alternés avec des périodes d'activité partielle permettent de minimiser la perte de salaire. Tenu comme tel, ce discours peut paraître censé mais encore une fois cela n'éclaire en rien le salarié s'il ne dispose pas de simulations réalistes de son indemnité de chômage partiel à comparer à son salaire habituel. Très franchement, chaque salarié jugera au vu de sa situation mais notre sentiment est que prendre des congés confiné dans un appartement n'est pas très relaxant et épanouissant. D'autant que nombre d'entre nous aspireront à prendre de réelles vacances sitôt le confinement levé... L'employeur va d'ailleurs être confronté à des difficultés inévitables en ayant à arbitrer les prises de congés lors de cette période, c'est à craindre et ce sera inévitable car humain. La formulation de l'ordonnance est en ce sens perverse car elle permet à l'employeur d'éviter la négociation et d'imposer plus de jours. Où est donc le dialogue social ??
Cette première session fut donc l'objet d'un tour d'horizon de l'activité et l'évocation des deux sujets centraux de cette période : activité partielle et congés, destinés à pallier la chute d'activité pour les salariés concernés. La priorité pour nous est la santé et la sécurité de nos salariés. Vient ensuite le maintien dans l'emploi et ce sens le recours au chômage partiel est nécessaire. Encore faut-il être rassuré sur les niveaux d'indemnisation de chaque personne concernée, ce qui reste à faire pour notre Direction. Une autre question porte sur l'éligibilité du salarié en fonction de sa situation (intercontrat, porteur de mandat, temps partiel). Nous intégrerons ce sujet dans nos prochains articles.
Notre regard sur les congés est clair : nous répétons qu'une négociation est indispensable pour l'équité et la justice sociale. Les mesures d'urgence proposées recommandent le dialogue social sans toutefois en donner les outils suffisants (l'ordonnance sur les congés en est un exemple). S'agissant des CP, La Direction a en sa faveur la période d'exercice des droits qui va s'achever et l'obligation qu'ont les salariés à solder leurs congés de la période de référence 2019-2020 avant le 30 juin (sauf à en verser au maximum 5 sur le CET). Il s'agit donc de ne pas appliquer une double peine à ceux qui seront contraints de solder leur compte tout étant confinés mais aussi de subir la loi de l'ordonnance maudite...
Nous reviendrons très vite vers vous sur ces sujets où chaque jour apporte son lot de nouveaux éléments. En attendant, prenez soins de vous et vos proches. Courage.